Saccage des émotions, les maisons sont restées debout, mais éventrés, les souvenirs dans les nuits se sont désagrégés comme pauvres errants, l’église est bouche d’ombre, le toit s’en est allé
Un matin, les gendarmes sont venus les chercher, il fallait quitter le village, abandonner les tombes, les arbres, les vergers. Il n’y aurait plus de troupeaux. A la place : des bombes
Le portail de la grange à présent ne dit plus grand-chose, c’est déjà loin tout ça… mieux vaut ne pas trop y penser… Mais les rues dévastées continuent de hurler leur oubli jusque dans les choses. Leurs cris s’égarent dans les champs, au pied des peupliers
Les femmes ont pleuré leur tout petit, leur village, du fond de leur passé. Grand-père passait du cirage sur ses souliers, l’été, les ruches bourdonnaient, l’orage s’éloignait, revenait, sur les soirées ensoleillées
Ainsi nos existences, bien construites et closes, finissent-elles par s’effilocher. Ouvertes aux quatre vents, elles ne savent plus grand-chose du passé
(Texte et photo: Arnaud Beaujeu. Tous droits réservés)
